Je n'aime pas parler de mon enfance, pour la simple et bonne raison que je la trouve inutile. Certaines personnes estiment que pour comprendre le présent, il faut connaître le passé. Ainsi, pour savoir qui je suis et me comprendre, il faudrait déjà avoir une bonne notion de mon passé. Mais à quoi bon ? Celui que j'ai été est si différent de celui que je suis et celui que je deviens. L'enfant que j'étais n'est plus, j'ai totalement changé, tout a changé et d'une certaine manière, tout est mort.

Je suis né au Danemark, en plein hiver. Je n'ai aucun souvenir de ce charmant pays, même pas de sa langue. Tout ce que je sais, c'est ce que l'on dit de lui, que c'est le pays le plus heureux au monde, où il y a énormément de naissances puisqu'elles sont en quelques sortes favorisées. J'ai quitté le Danemark lorsque j'avais six ans. J'y vivais avec ma sœur aînée, Caroline, et mes parents. Puis, il y a eu cet accident, qui assassina mes géniteurs. Rapidement, Caroline et moi furent envoyés en Angleterre, dans une famille quelconque. Caro a toujours été ma lumière. En temps que grande sœur, elle m'expliqua la vie, c'est elle qui répondit à tous mes pourquoi et mes comment. C'est elle qui m'enseigna tout ce que je sais de mon passé, de mon enfance. En Angleterre, la vie était bizarre. Déjà, passer du Danemark à Londres avait de quoi de tumultueux. Au Danemark, tout est plutôt plat, en Angleterre, tout semble vouloir toucher le Ciel. Pendant un moment, j'avais l'impression de vivre dans le livre portant sur des histoires se déroulant au Moyen-Âge qu'on me lisait avant de dormir. Tout était si haut, majestueux. Comme des châteaux. J'avais presque peur de tout ces immenses bâtiments, craignant qu'un beau jour, ils me tombeny dessus et m'écrabouillent comme une vulgaire fourmi, telle une pile de Lego qui, un peu trop haute et déséquilibrée, finit par tomber sur le sol.

Caroline est restée environ deux ans en Angleterre. Nos nouveaux parents nous avaient rapidement appropriés. Déjà, en changeant notre nom de famille, passant du danois Kristensen à l'anglais Willows. A ce titre, nous étions des adoptés. Puis, mon prénom. Ils aimaient celui de Caroline, mais Isak ne leur plaisait pas, ils préféraient Ethan, Ethan Liam. Ensuite, ma sœur est décédée, lentement, tragiquement, comme une marche funèbre. Elle tomba malade et son état se dégradait de jour en jour, les médecins s'amusant à la charcuter pour tenter de la sauver, ce qui ne marchait définitivement pas. Je me rappellerais toujours des sourires forcés qu'elle me faisait, pour voiler sa douleur invincible et me rassurer, me consoler. Sa maladie invincible. Elle battait, Caroline était une battante, bien plus courageuse que moi, et bien plus guerrière, mais elle faillit et mourut, un treize décembre. Elle avait onze ans, et de longs cheveux d'un noir de jais, bouclant aux extrémités, sans oublier ses grands yeux verts plein d'expressions et saillant avec magnificence. Oh, Caroline. C'était ma sœur, ma vraie famille sur Terre. Et maintenant, je suis seul.


On m'a une fois dit qu'on devient un homme qu'à partir du moment où on a vraiment aimé. Sentit ce sentiment puissant que les humains appellent « amour », ce sentiment qui file dans vos veines, occupent vos pensées et chaque partie de votre corps, vous fait devenir fou et désireux, vous fait souhaiter l'impossible, vous fait pousser des ailes et vous donne une motivation ainsi qu'un moral de fer. Ce sentiment là serait à la base de l'humanité et de l'âge adulte. Les enfants ne semblent pas pouvoir le ressentir vraiment, bien que j'en ai aucune idée et ne préfère pas m'avancer là-dessus. Je sais certainement que dans mon cas, lorsque j'ai aimé pour la première fois, la véritable fois, j'avais 23 ans. Mon amour a pour nom « Jenayziah Nhavid Belakis ». Je l'ai rencontrée la première fois sur mon lieu de travail, au journal. Elle aussi travaille là-bas. Et Dieu qu'elle est belle, c'est un ange, mon ange. Mais c'est aussi l'ange d'un autre homme, avec lequel elle est fiancée. J. c'est une merveille, elle a de longs cheveux bruns desquels émanent un parfum béni des Dieux, et ses yeux, il suffit que d'un regard pour se plonger dans son âme, pour avoir l'impression d'être transporté au Ciel, pour avoir l'impression de tout connaître du monde. Je l'adore, de la pointe de ses cheveux à la plante de ses pieds. Si vous savez comment je l'aime. Si elle savait comment je l'aime...