« offrir et recevoir »

temps ▥ date ▥ saison ▥ heure ▥ -3°C ; trois décembre ; automne ; 14.21 PM ;

Le vent. Froid, il s'infiltre sous vos vêtements, transperce votre peau. La chair de poule vous gagne. Vos doigts, votre nez, rougissent. Vos joues s'enflamment, brûlent. Votre souffle s'accompagne de fumée blanche, farineuse. Votre corps tremble. Et vous avez beau frictionner vos membres, rien n'y fait. Certains le supportent. D'autres, comme Machiavel, le maudissent. Victime du temps, il reste droit, figé à coté du stand. Sa tête s'enfonce dans ses épaules, se cache dans la laine de son écharpe. « Mais que fait-elle ? » rouspète t-il. Il ferme les yeux, tente de se concentrer sur une vision plus chaleureuse que ce marché grouillant, croulant sous la neige et le givre. L'échec est cuisant. Il faut bouger. « Allez... ». Il se donne du courage. « Elle sera bien là quand je reviendrai. » Sa décision est prise : il débutera la visite sans elle. Que devait-il chercher déjà ? Ah oui ! Un cadeau pour ses parents.
La route dégagée des voitures, encadrée par les stands, contient la foule avec peine. On se heurt, se touche, s'évite, s'excuse et finalement, on n'avance pas. Ce piétinement l'agace. Ses poings se faufilent dans ses poches. Il doit lever les pieds pour apercevoir les couleurs, les contours et les formes des objets vendus. Une broche en argent blanc attire son œil. Le vendeur surprend son regard appuyé et l'invite à la prendre. Il refuse poliment. L'idée même de sortir la chair de ses mains à l'air libre le rebute. Et puis, lui, c'est avec les yeux qu'il touche. Il souligne sa surface brillante et reconnaît les courbes, les lignes fines et gracieuses d'une paire d'ailes. « Une libellule... » murmure t-il dans son écharpe. En face, le vendeur s'impatiente. Il parle, vante les mérites de ses produits, propose de petites réductions et jure sur l'honneur qu'elle plairait à toutes les femmes. Sauf que, cette broche, doit plaire à une seule femme.

Au bout de la première avenue, il fait demi-tour. « Elle doit être là maintenant. ». Partiellement réchauffé, il se sent mieux. Mais, à la moindre halte, le froid le prend en chasse et vocifère des menaces. Un flocon passe sous ses yeux. Immédiatement, il lève la tête et constate avec amertume et enchantement que la neige tombe à nouveau. Dans ses cheveux s'emmêlent et fondent les branches des flocons. Il est à nouveau près du hall. Le hall sous lequel ils se sont donnés rendez-vous. Dans sa poche, ses doigts serrent le petit paquet de papier.
« Hippolyte ! »
Elle est là.

Lucrèce avait beaucoup hésité à répondre à l'invitation d'aller chercher un cadeau pour leurs parents ensemble. Bien évidemment, leur rencontre était totalement innocente, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas s'empêcher de rêver qu'il se promenait en amoureux sur ce marché et cela s'était loin d'être bon pour son moral. Alors, en se préparant à sortir par ce froid, raison supplémentaire selon elle pour rester au chaud chez elle, elle s'était imaginée toutes sortes d'excuses plus ou moins valable pour annuler leur rencontre. Pourtant, au bout d'une heure, elle se rendit compte qu'elle n'avait aucune excuse, qu'il lui ferait surement la tête et que de toute façon, elle avait envie de passer un moment avec lui. C'est donc en retard, qu'elle quitta sont appartement, elle savait qu'il aimait la ponctualité, mais là malheureusement, elle allait être en retard. En effet, elle mit un certain temps à trouver un taxi et elle dut ensuite faire face aux embouteillages à croire que tout le monde s'était donné le mot pour se retrouver dans la rue.

Elle arriva finalement à bon port et resta un instant à observer les lieux, elle eut un petit sourire ravit, car le marché était fantastique, elle se sentit soudain prise par la magie de Noël et c'est avec joie qu'elle se dirigea vers le point de rendez-vous. Elle s'imaginait déjà Machiavel en train de l'attendre râlant contre son retard, mais pour le moment elle n'y prêta pas attention et elle prit même le temps de flâner dans l'allée qui la menait au hall. Elle y vit de magnifiques objets qui plairaient à coups sur aux parents et même des cadeaux susceptibles de plaire à son frère, mais pour lui, elle l'avait déjà acheté depuis longtemps et il se trouvait dans son sac. Elle ne savait pas s'il serait présent ou pas pour Noël et donc elle avait prévu son coup. Elle arriva finalement dans le hall pour découvrir après avoir parcourus la salle des yeux, qu'il n'était pas là.

- Au moins, c'est moi qui pourrait râler

Elle eut un petit sourire en coin à cette pensée sachant qu'elle n'était pas râleuse pour deux sous, mais cette idée avait un certain charme. Inconsciemment, elle se recoiffa, elle n'aimait pas être mal coiffé et surtout cela l'empêchait de penser au froid qui régnait tout autour d'elle et qui la glaçait jusqu'au os. Elle ferma un moment les yeux s'imaginant sur une plage aux Bermudes, elle adorait le soleil et la chaleur et l'hiver était pour elle le pire moment de l'année. Cela lui donnait l'envie comme certains animaux d'hiberner pour attendre les beaux jours. C'est alors qu'elle entendit une voix, un mot et son cœur se mit à battre à cent à l'heure. Seul lui l'appelait par son deuxième prénom et cette voix si douce à ses oreilles qui lui causaient tant de frisson à chaque fois qui s'adresse à elle, lui firent monter le rouge aux joues mais heureusement cette fois elle pouvait mettre cette rougeur sur le compte du froid. Elle se tourna alors pour lui faire face, un sourire lui monta aux lèvres, il était tellement beau, là face à elle, des flocons de neige encore dans les cheveux. Si elle ne l'aimait pas tant, elle en serait tombée amoureuse à cet instant elle le savait.

- Salut frangin !

Voilà, elle était fière d'elle, rien dans sa voix où presque ne laissait entrevoir le trouble qu'elle ressentait en était là devant lui. Mais elle avait une brusque envie de lui sauter au cou, de sentir sa chaleur et surtout son parfum et ... elle se gifla psychologiquement, il ne fallait pas qu'elle reste là comme ça, il fallait qu'il s'occupe. Elle prit une profonde inspiration, mais elle n'empêcha pas sa voix de s'enrouer et d'être bien plus aiguë qu'à l'ordinaire.

- Et si on faisait un tour, il gèle ici.

Il s'approche. Elle, ne l'a pas encore vu. Ses doigts fins rassemblent ses cheveux, redressent sa coiffure. Ses gestes graciles, son teint blanc et le galbe de sa silhouette la font ressembler à une poupée de porcelaine. Le genre de poupée nacrée qu'on installe dans les boites à musique. Une boite où l'on conserve jalousement les objets anodins pour les étrangers, si précieux pour soi.
« Hippolyte » mime une nouvelle fois ses lèvres bleuies par le froid.
Elle se retourne, paraît nerveuse, frigorifiée, mais heureuse. Sur sa bouche : un sourire. « Frangin ». Le titre retrousse son nez. Il regrette qu'elle n'ait pas choisi de l'interpeler par son nom. C'est qu'il teinte si bien quand elle le prononce. Parvenu à ses cotés, un goût amer s'est glissé sous sa langue. Sa main, alors au bord de sa poche, replonge.
« Il n'y a rien de ce coté, allons par là. » Il mentionne d'un geste de la tête l'allée qu'il vient de traverser et s'engage dans une autre. Cette fois, il n'est pas seul. Ébranlé par le chahut, la foule et le froid, il en oublie jusqu'aux raisons qui l'ont amené ici. Son regard balaye les stands d'un œil morne. Las de tout ce cirque, bougon, il se réfugie dans le silence. « Quel enfant ! » se serait écriée sa mère en le voyant ainsi. Grandir, n'est pourtant pas un problème. Seulement, personne n'est capable d'agir en adulte sitôt son adolescence révolue. Aujourd'hui, sa tête, son humeur, réclament une trêve.
« Des idées ? » lance t-il à tout hasard. Le ton est rude, malgré ses efforts pour se contenir. Feindre ? Impossible aujourd'hui. Rarement entier, il se sent lui-même. Beaucoup se méprennent en assimilant son coté distant et froid à une carapace. Il n'est jamais autant lui-même que lorsqu'il est grossier.
Ses regards évitent consciencieusement le corps suivant le sien. Par inadvertance, ses pupilles s'égarent sur l'une des mains rosées de Lucrèce. Instantanément, il glisse ses doigts à l'intérieur, et plonge ce nouvel union dans sa poche. A cet instant, il ne pense pas que son paquet s'y trouve toujours.
« Tu aurais du prendre des gants. » lui reproche t-il.
Sa langue passe sur ses lèvres gercées. Sous sa frange, la cicatrice de son accident passe inaperçue. Le froid se charge de l'anesthésier complètement. Pour la première fois depuis longtemps, il ne souffre pas.

Elle ne s'attendait pas à le voir se renfrogner quand elle l'appela par le mot "frangin", bien entendu, elle ne se douta pas un instant qu'il voulait seulement l'entendre l'appeler par son prénom. Elle pensa plutôt qu'il n'aimait pas ce genre de démonstration fraternelle dans un lieu si fréquenter. Elle ne savait jamais trop comment il pouvait réagir à un geste ou une parole de sa part ainsi elle faisait toujours très attention à ce qu'elle pouvait dire, plus encore depuis que ces sentiments s'étaient déclarés. Et puis elle était habituée à son caractère ainsi elle sait qu'elle ne doit pas le taquiner sans quoi se sera pire encore. Elle regarde l'allée qu'il lui indique et hoche la tête avec un petit sourire, elle n'arrive pas à le quitter ses lèvres semble attaché à un fil bien décider à ce que ces commissure des lèvres atteignent ses oreilles lui donnant surement un air stupide, mais elle s'en fichait, elle était avec lui.

- Pas de soucis je te suis.

Il lui emboîta le pas et heureusement, il y avait tellement de monde qu'elle se serait fait marcher sur les pieds toutes les dix secondes. Elle était un peu derrière lui et tentait de ne pas se laisser distancer et séparer de lui. Elle attendait patiemment, qu'il retrouve un semblant de bonne humeur, elle ne voulait pas se battre avec lui aujourd'hui, elle voulait seulement passer un bon moment. Et puis la vision de dos était tout aussi appétissante que de face et elle se laissa vite embarqué dans des pensées qui n'étaient pas très avouables. Ainsi quand il lui demanda si elle avait des idées, elle rougit violemment. Elle avait totalement oublié le but de leur sortie, trouver des cadeaux pour les parents et elle le regarda un instant la bouche entrouverte cherchant ces mots avant de réussir à aligner deux mots cohérents. Elle ne releva même pas le ton sur lequel il parla.

- Euh Oui ! J'ai ... vu quelques objet sympa en arrivant ... Je ...

Elle ne réussit pas à continuer, la raison ne fut pas qu'elle ne savait pas quoi dire d'autre, mais plutôt qu'il fit une chose qu'elle évitait au maximum. Il lui prit la main, ce petit contact physique déclencha un frisson qu'elle eut du mal à cacher tant il fut fort, son souffle se coupa et elle se mordit la lèvre pour surtout ne pas soupirer face au plaisir qu'elle éprouva juste grâce à ce petit contact. Elle sentit la chaleur envahir sa main et elle trouva cela fort agréable. Il se tourna alors vers elle, ils étaient arrêtés au milieu de la foule, mais à cet instant, elle ne les voyait même pas, elle ne le voyait que lui. Il la sermonna alors, car, elle n'avait pas mis de gants. Elle sourit, le reconnaissant bien là et sans réfléchir elle posa délicatement sa main encore libre sur sa joue, la caressant avec tendresse, elle se voyait très bien, là tout de suite, se mettre sur la pointe des pieds pour poser ses lèvres sur celle de Machiavel. Elle esquissa d'ailleurs un léger mouvement, mais alors ses doigts frôlèrent le paquet dans la poche du jeune homme, elle retira sa main de la joue et le regarda dans les yeux.

- Machiavel, tu leur as déjà trouvé un cadeau ?

Son ton se voilait un peu de reproche, mais elle n'était pas en colère, juste amusée, elle n'avait pas encore remarqué qu'il était blessé, elle le dévorait du regard avec toujours un sourire qui ne l'avait pas quitté depuis qu'il l'avait appelé dans le hall quelques minutes plus tôt.

Pris au dépourvu, il se sent coincé, bête en cage. Ses pupilles vacillent à droite, à gauche. A quoi se raccrocher pour éviter une explication dont lui-même ignore tout ? En temps normal, il aurait simulé la surdité. Là, il fronce les sourcils et rouspète à voix basse.
« Ce n'est pas pour eux. » L'aveu s'étouffe au fond de sa gorge. La confidence reste incomplète, coincée entre son orgueil et ses craintes. Tout perdre. C'était peut être la raison qui étranglait ses sentiments même les plus légitimes. Il fait encore quelques pas, d'autres, plus lents, puis, s'arrête. « C'est le tien. » Il a presque honte. Toutes ces démonstrations sentimentales l'effraient comme ils effraient les hommes et leur virilité. « Prends-le puisque tu l'as vu. » Il libère leur main. Dans la sienne : le paquet. « De toute façon, je ne serai pas à la maison pour Noël. » L'envie de participer à ses mièvreries lui manque. Les avantages n'ont jamais fait le poids face aux inconvénients. Il la déçoit sûrement avec cette nouvelle et son air dégagé. Sa physionomie parle pour lui. La brèche est là, entre ses yeux. C'est un petit creux coupable, incontrôlé, désolé. Il n'en a pas connaissance et peu savent l'interpréter correctement.
« Tu as dit que tu avais trouvé quelques objets mais tu ne m'as pas dit lesquels ? » Il se souvient maintenant de cette phrase qu'elle avait commencé et terminé en bafouillant. « Encore. » Ce n'était pas rare qu'elle s'embrouille. Machiavel mis ça sur le trouble du langage qu'il lui attribuait et ce, bien qu'elle ne bégayait qu'avec lui. Il avait confié ses suspicions à ses parents. Surpris, ils avaient réfuté en bloc ses dires et rient de l'accusation. Et puis, on passe à autre chose.
L'odeur d'une crêperie. Son ventre gronde presque de gourmandise. Par ce temps, l'idée de manger chaud réveille ses envies culinaires. L'idée est chassée, emportée par le doute que l'objet emballé entre les doigts de Lucrèce lui plaise. La broche est jolie mais son coût ridicule risquerait de gâter ce détail. Maintenant, sans attendre, il veut en acheter un autre, prétendre à une plaisanterie, jeter cette babiole et la recouvrir de neige. Il se mord la lèvre, fixe le sol et relève la tête juste à temps pour constater l'effet de son cadeau sur le visage de sa sœur.
« Ce n'est pas... grand chose » s'excuse t-il par avance.

Lucrèce ne s'y attendait pas vraiment, elle aurait plus pensé à un cadeau pour une de ces amies, même si rien que cette idée lui nouait l'estomac. Elle savait qu'il avait des conquêtes, mais elle refusait de les rencontrer où d'en entendre parler, car malheureusement, elle en était jalouse, maladivement jalouse. Ainsi elle ouvrit la bouche surprise, autant par le geste que par son ton, il semblait gêné de montrer son affection pour elle, alors qu'elle, elle est aux anges. Elle sent leur doigts de détacher l'un de l'autre et pendant une fraction de seconde, elle n'a qu'une envie reprendre sa main et ne jamais la lâcher. Mais dans sa main se trouve le petit paquet rouge brillant. Elle caresse doucement la surface lisse, elle à la tête baisser pour qu'il ne voit pas l'émotion dans ces yeux, car elle savait que cela la trahirait tout de suite. Pourtant elle ne peut s'empêcher de lever les yeux quand il parle de son absence à Noël, bien qu'elle s'y était préparer, elle était déçut, elle prit une profonde inspiration.

- Je m'en doutais un peu tu sais. Mais, ça ne sera pas pareil Noël sans toi.

Bon il fallait rapidement qu'ils changent de sujet, car le cadeau plus la confirmation de son absence à Noël et elle sentait presque les larmes lui monter aux yeux. Elle détestait pleurer encore plus devant Machiavel, mais il fallait qu'elle s'y fasse, elle était tellement sensible qu'un rien ne lui arrachait des larmes. Heureusement, il repartit sur le cadeau pour le parents, elle eut un petit sourire en coin puis elle hocha la tête. Elle cherchait à gagner du temps afin de pouvoir reprendre le contrôle d'elle même, pendant tout ce temps elle n'arrêtait pas de caresser le papier du cadeau, elle n'avait pas encore commencer à le déballer, elle n'osait pas en faite. Elle était sure que le cadeau lui plairait mais elle voulait faire durer ce moment le plus longtemps possible. Quand elle fut sur de pouvoir aligner deux mots cohérents, elle se lança.

- Pour maman, il y à une pendule tout en bois, elle en rêve depuis des années et pour papa j'ai vu de beau bateau en bouteille.

Elle était fière d'elle, elle n'avait pas bégayer sa voix était rester égale et elle avait put le regarder dans les yeux sans ciller. Elle savait bien qu'il avait émit des doutes sur sa capacité à tenir une conversation à leur parents mais elle ne lui en voulait pas après tout, avec lui, elle était rarement cohérente. Elle commença à ouvrir alors le paquet pendant qu'il réfléchissait à ces propositions. Après tout il serait malpoli de sa part de tarder encore à l'ouvrir. Elle prit son temps faisant attention à ne pas déchirer le papier. Ces mains tremblaient un peu, mais elle réussit finalement à sortir la plus jolie broche qu'elle ai jamais vu, elle représentait une libellule, elle leva les yeux vers lui de nouveau il avait l'air nerveux, il avait peur qu'elle n'aime pas mais un grand sourire s'épanouit sur ces lèvres, ces yeux étaient brillant et sans hésiter elle se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue, elle dut se contrôler, ne pas l'embrasser trop près de ces lèvres qui lui donnait tant envie.

- Tu rigoles ! Elle est magnifique cette broche, merci.

Elle se recula un peu rouge comme une pivoine, son cœur tambourinait contre sa poitrine, et elle se demanda un instant s'il n'allait pas sauter hors de sa cage thoracique. Pour s'occuper les mains, elle voulut l'accrocher à son manteau mais ces mains tremblaient tellement qu'elle n'y arrivait pas. Elle leva alors les yeux vers lui.

- Machiavel, tu veux bien m'aider à l'accrocher ?

Un baiser s'égare sur sa joue. L'envie de se retourner pour le voir l'étreint. Impossible. Mais c'est là tout le charme d'un baiser. Il est invisible. On le sent, le ressent, l'apprécie, le savoure, le condamne, le fuit. On peut exister avec un unique baiser comme celui-ci. Sa bouche quitte sa peau. Il ne reste plus que cette sensation. Éphémère, elle ressemble à la buée que notre souffle crée sur les vitres, à la douleur d'un coup assené rapidement et qui ne laisse qu'une entaille, une plaie qui ignore encore qu'elle en est une avant de saigner. Sa mauvaise humeur s'estompe alors. Qui a dit qu'un baiser ne pouvait pas guérir ?
« Je suis heureux qu'elle te plaise. » Il le pense mais le dire à voix haute lui donnerait une mauvaise et âcre impression. Alors, par compensation et parce qu'il ne peut s'en empêcher, il sourit. Ce sourire est petit à regarder, grand à voir. C'est un mélange de tendresse retenue, de bonheur contenu. Aux coins de ses lèvres, soulevées par des fils tissés d'une maladresse sucrée, se cache sa satisfaction.
Elle se débat avec son présent, tente à plusieurs reprises de l'agrafer à son manteau. Ses mains tremblent. « Le froid, sans doute. ». Quelques échecs et elle demande son aide. Sa gaucherie lui arrache un soupire. Court, bref, il n'est pas le fruit d'un quelconque énervement mais seulement celui de son impatience. Il se rapproche, se courbe légèrement. Sa main s'empare de la broche. L'autre soulève les mèches de cheveux qui menacent de s'empêtrer dans le mécanisme, les replace derrière son oreille. En trois gestes simples, concentrés, la libellule est posée. Son corps se redresse. Un nouveau sourire naît de son contentement. Elle lui sied à ravir. Son orgueil est flattée. Ce péché est puni par un coup d'épaule qui manque de le renverser. Il titube une seconde et se ressaisit. Il est si facile de pervertir sa bonne humeur.
« Pendule en bois. Bateaux en bouteille. » résume t-il en visitant les stands du regard. « Tu te souviens de quel coté tu les as vu ? »
Il veut rentrer, se lover dans son fauteuil, s'enrouler dans une couverture et siroter quelque chose de chaud. Cette idée s'enracine vite dans sa tête. Elle se propage et contamine toutes les autres. Ses yeux repère les pendules.
« Terminons vite et rentrons par pitié. »

Le sourire que lui rendit son frère valait tout les beaux discours du monde, c'était un sourire vrai, tendre et sans arrière pensée. Des sourire comme celui-ci Machiavel n'en distribuait pas beaucoup et cela lui donnait encore plus de prix. Elle le laisse mettre la broche, elle tremble et frissonne quand il passe sa main dans ces cheveux pour remettre une mèche derrière son oreille et pour une fois dans sa vie, elle bénit le froid qu'il fait. Elle déteste le froid mais au moins toute ces faiblesses, qui se déclenchait quand elle était trop à proximité de lui, passait juste pour du froid. Elle observe alors le résultat quand il redresse et elle est heureuse de voir qu'en plus d'être jolie, cela lui allait bien. Elle releva la tête pour le voir troublé mais elle ne compris pas se que cela pouvait signifier. Ainsi elle hocha simplement la tête quand il récapitula les cadeaux possibles pour leur parents.

- Bien sur, c’est dans l’allée que j’ai prise quand je suis arrivée.

Elle lui reprit alors la main, appréciant ce contact avec lui et elle le dirigea lentement à cause du monde présent autour d’eux. Contrairement à lui, elle était bien là en sa présence, elle savourait chaque secondes et elle fut un peu déçut qu’il veuille déjà rentrer chez lui, elle ne savait pas s’il voulait qu’elle vienne aussi et sur le moment elle n’osa pas le lui demander pour la simple et bonne raison qu’un coup de vent avait attiré son regard sur son front, elle s’arrêta alors net se faisant bousculer par une famille et se faisant fortement insulté mais elle s’en fichait, elle les avait oublier au moment où il avait franchit la limite de son champ de vision.

- Mais qu’est se que tu t’es fait ?

Elle releva la mèche de cheveux qui cachait en partie la cicatrice très récente. Elle s’attendait à chaque instant à se qu’il la repousse ainsi elle y allait avec délicatesse ne voulant pas lui faire mal. L'inquiétude était présente dans ces yeux et le médecin en elle refaisait surface. Elle se mit de nouveau sur la pointe des pieds afin de mieux voir. Elle sentit sa gorge se serrer, vu la cicatrice, la blessure ne devait pas jolie jolie à voir.

- Quand est ce arrivé ? Pourquoi tu ne m’as pas fait appelé, je t’aurais soigner.

Elle ne voulait pas jouer à la petite sœur moralisante, mais elle avait du mal à croire qu'il ai essayé de lui cacher une chose aussi importante. Elle se mordilla la lèvre, elle ne voulait pas le brusquer et encore moins le braquer. Elle recula alors retirant sa main froide qui avait parcourus la cicatrice tout en douceur pour s'assurer qu'il n'y avait pas de complication. Elle baissa les yeux et pris une profonde inspiration avant de le regarder de nouveau.

- Tu as se qu'il faut pour la douleur ?

Ses yeux, ses écrins azurés, fixés sur son front, provoquent une étincelle chaude, flambante, brûlante. Il recule, lâche sa main, effrayé, le regard agrandi. Ses cils papillonnent, ses pupilles balaient furtivement ces prunelles inquiètes, cette moue réprobatrice sur cette bouche. Il fait volte-face. Les passants contournent leurs corps, s'immiscent entre eux tels des boucliers, des consciences menaçantes au dessus de sa tête. Ces sentinelles s'ignorent. En groupe, ils le sauvegardent, le préservent d'agir par instinct plutôt que par raison. « L'aspirine fait l'affaire. » lui répond t-il presque à mi-voix. Brusquement, violemment, exalté, il se retourne vers elle. Il prend soin de ne plus la regarder, se liant visuellement à la broche qu'il lui a offerte. Au fond de lui, les braises risquent de s'embraser à nouveau. « Une émotion. » Et quelle émotion !? Si elles ressemblaient toutes à celle-ci, il ne les contiendrait jamais dans ce dés à coudre qui lui sert de réservoir à sentiments.
Ses jambes, par souci de préservation, le portent déjà dans un endroit plus calme. Il bifurque dans une ruelle parallèle au marché, un cul-de-sac désert. Seul le bruit peut le déranger à présent. Sa gorge se serre. Il s'imagine suffoquant et ôte l'écharpe autour de son cou qui vient s'enrouler sur le béton gris. Depuis le début de cette journée, c'est la première fois qu'il apprécie la brise glacée sur sa peau rougie. L'agoraphobie dont il se disait potentiellement atteint fut désignée coupable de sa fuite. Ses inspirations moins pénibles, il se sent moins fiévreux. D'ailleurs, son front n'est plus que tiède à présent. « Lucrèce. » Sa fuite avait été complète au point d'en oublier sa sœur dans la foule. Craignant de s'infiltrer une nouvelle fois dans ce ras-de-marrée humain, il s'appuya sur le mur et leva les talons. « Non mais quel idiot ! ». Cette auto-flagellation ne l'aidait en rien, ni même ne l'apaisait ou le rendait moins stupide, incompréhensible. Il y avait de quoi être dérouté par un comportement semblable. La scène ne faisait que renforcer ce sentiment d'anormalité, de décalage avec le monde et ses sens. Quand cesserait-il d'être un animal, un fou, pour devenir humain ?
« Lucrèce ! » se mit-il à crier en la reconnaissant au loin. Il avait décidé d'abréger cette course aux cadeaux qui virait au cauchemar, de rentrer, de penser à autre chose, d'oublier, de redevenir une statue sans profondeur.

Lucrèce s'était attendu à beaucoup de réaction, mais surement pas à la fuite. Il était là devant lui la seconde d'avant et soudain, il fut comme happé par la foule. Il disparut de son champs de vision et elle se retrouva seule. Elle resta un instant interdite, elle avait vu sur son visage une multitude d'expression qu'elle était bien incapable d'interprété mais qu'elle était curieuse de comprendre. Elle revint soudain à la réalité quand elle sentit un coude s'enfoncer dans son épaule, elle grimaça et pensa qu'avec la chance qu'elle avait, elle aurait un bel hématome demain en ce levant. Mais la douleur lui avait rendus ces esprits et elle se mit à la poursuite de Machiavel, enfin, la direction qu'il avait pris, car avec la foule, elle l'avait vite perdu de vue. Elle essaya d'avancer le plus vite possible mais la foule était compact et surtout elle n'avait pas un grand gabarit. Elle essayait de regarder partout à la fois, d'essayer de trouver son visage quelques part et elle espérait qu'il n'était pas déjà sur le chemin pour rentrer chez lui. Le souffle court, elle réussit finalement à s'écarter un peu, elle était près des baraques mais suffisamment à l'écart pour faire une pause, elle scrutait le marché, elle eut alors l'impression d'entendre son nom crier derrière elle, elle se retourna si brusquement que ces cheveux passèrent d'une épaule sur l'autre, et c'est là qu'elle le vit, dans une ruelle appuyé contre le mur, il semblait lui aussi la chercher. Elle eut un petit sourire et s'avança prudemment vers lui ayant peut être peur de le voir de nouveau fuir.

- Machiavel ! ça va ?

Elle avait parler d'un souffle, doucement et elle voyait bien, qu'il n'était pas bien, elle avait envie de le serrer contre elle, de le calmer et de le réconforter, elle en eut même le geste mais elle ne savait pas comment il allait réagir et s'il en avait envie, ainsi elle resta immobile devant lui. Elle prit une profonde inspiration et décida qu'il était temps de rentrer, pourtant, elle ne voulait pas le quitter déjà. Certes, les moments en sa compagnie était difficile, car elle devait sans cesse se rappeler, qu'elle était sa sœur mais c'était également des moments, où elle se sentait bien, elle-même.

- Et si on rentrait et que je te préparais un bon repas pendant que tu ouvriras le cadeau que j'ai pour toi ?

Volontairement, il cesse de respirer. Elle s'approche. Il la suit, de loin, menace les audacieux qui la retardent. Sous ses yeux, c'est une course. Son dessein : l'air qui lui fait défaut. Sur le chemin de la victoire, le destin s'emmêle et sème des embuches. Un groupe lui barre la route, puis, un autre, et encore un. Son corps de porcelaine heurte les âmes en béton. Machiavel ne le voit pas mais son coude est ébréché. Encore quelques pas. Elle contourne, jongle, franchit, s'extirpe, se défend et finalement, atteint son but. L'air revient.
Elle feint de vouloir l'approcher encore, finit par se résigner mais pas suffisamment tôt pour éviter un pas en arrière. Réflexe involontaire dictée par un instinct qui ne se trompe jamais. « Ridicule. » Il ravale cet instinct et balance sa jambe en avant. La distance qui les sépare s'amenuise mais reste incorrecte. Mettre plus d'un mètre d'espace entre deux personnes du même sang est une insanité. On ne s'éloigne autant que des étrangers douteux, des êtres qu'on regarde de haut, des parias ou de ceux qui nous indiffèrent. Il en est conscient et s'empresse de remettre les choses à leur place. Il s'approche. Près. Un peu trop peut être.
« Merci. » Le mot vaut pour deux réponses. Merci d'avoir proposer de rentrer, merci pour le cadeau. Nul besoin de connaître l'intérieur d'un paquet pour se sentir reconnaissant. Pour ne pas l'inquiéter d'avantage, il lui sourit à nouveau. Cette fois, le sourire est plus petit encore. Il ne regorge plus autant de plénitude et sonne sans doute moins sincèrement que le premier mais c'est tout ce qu'il peut offrir. Ça et ce baiser que son corps penché vient déposer sur son front. Rien d'inhabituel pour quelqu'un réputé tactile. Depuis qu'il a compris que tout sentiment se traduit par un geste, il tente de les reproduire. Au fil des ans, la fausseté de ce qui est devenu une habitude, est presque entièrement camouflée. La démonstrativement dont il fait preuve surprend les uns, fait fuir les autres. Dans tous les cas, vous n'avez pas le choix, il faut accepter cette greffe sur sa personnalité ou la renier entièrement. Nouvelle étincelle. Cette fois, il tient bon. Il veut aller au bout, quitte à prendre feu. Ses joues bouillent déjà. Au sol, il récupère son écharpe et la noue autour du cou de sa sœur. « sœur » quel horrible nom.
« N'attrape pas froid. »

HJ: incroyable mais, en écrivant ce poste, j'ai appris que le verbe bouillir donnait bouillent à la troisième personne du pluriel au présent simple de l'indicatif et du subjonctif O.O c'moche quand même....

Il s'enfonce. La grotte est sans contours, sans formes. L'entrée est encore visible dans son dos. La sortie se baigne dans le néant. Un néant d'inconnu, de péché, à l'odeur nauséabonde. Il plisse les yeux et distingue une lueur.
Elle s'égare sur ses lèvres.
Une bougie, posée sur une petite table de bois, luit. Sa sève coule sur elle. Des auréoles blanches, pellicules sèches et fragiles, la tâchent. Il s'avance vers ce chandelier. Inspire longuement ses effluves sucrée. Elle ne couvre pas l'horrible odeur des lieux mais permet de l'oublier le temps d'une inspiration. C'est bref, court, mais salvateur. Et puis, cette lumière est la seule, l'unique. Son regard s'y amarre sans espoir de s'en détacher. Subjuguer, hypnotisé, il est condamné à attendre sa mort. Sa mort qui ne laissera plus que l'abîme autour de lui.
Ce qu'il veut ? Ce qu'il désire ? Ce dont il a envie ?
« Toi. » C'est un murmure inaudible qui se perche sur ses lèvres. Lèvres qu'il pince presque instantanément après. Il les cèle, honteux d'y avoir songer. L'évidence commence à l'être véritablement, balayant le doute et les mirages qui l'aveuglaient alors. Il ne cesse de la fixer, se posant cette fois les bonnes questions et retrouvant des indices à peine dissimulés dans l'océan de ses yeux, le sang de ses lèvres, la transparence maladive de sa peau. Qu'en penser ? Un tiers qui se serait immiscer dans leurs pensées les aurait séparés aussitôt, dégoûté, révulsé par l'absurdité, la surprise et l'horreur. Mais ils sont seuls, livrés à eux-même, condamnés à porter un fardeau trop grand pour leurs épaules. L'univers est contre eux.
Il attrape à nouveau ses doigts, les renverse dans sa poche non plus pour les garder à l'abri du froid mais pour les cacher. L'étincelle en provoque d'autres. Il est encore temps de l'éteindre. Il n'a qu'à soufflé dessus, l'étouffer dans sa main, taper du pieds sur les braises. « Non. »
« Va pour le taxi. »

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