On m'a toujours dit que j'étais née dans une fleur, rose et qui sentait si bon qu'on ne pouvait que m'aimer dès que j'ai vu le jour, alors que le soleil s'octroyait une pause dans sa longue journée. J'ai toujours su que c'était des cracks, un long laïus qui changeait peut-être un peu du : "le papa a planté une graine dans la maman et tu es née" habituel... oui, mes parents avaient toujours eu une forme d'originalité tant ils s'efforçaient à tout faire pour se distinguer des autres. Une tignasse blonde dès le jour de ma naissance même, on disait déjà de moi que j'allais être le portrait craché de ma mère : ni trop grande, ni trop petite, les cheveux d'un blond à faire craquer les hommes, un sourire provocateur et charmeur, des yeux bleus, certes, et pourtant avec ce "quelque chose" en plus pour amener n'importe quel homme dans mes filets... quand je le veux, bien sûr. Eh oui, disons bien que ces gens avaient raison, avec en plus quelques détails non négligeables dont ils n'osaient pas imaginer la future existence dès mon plus jeune âge : des formes généreuses. Non, je ne suis pas de ces planches à pain et autres grandes perches. Attention, je tiens quand même à préciser : génétiquement blonde, mais pas niaise et cruche, merci bien. Gamine déjà, je détestais les garçons qui s'amusaient à lever les robes des filles pour voir leurs petites culottes à fleurs, c'est sans doute pour ça que j'ai le plus souvent mis des pantalons. Quoique... j'ai toujours aussi détesté les petites gamines qui se mettaient à gémir une fois leurs sous vêtements dévoilés... qu'est ce que ça peut être mou une fille... en tout cas, dans 95% des cas, approximativement.
Mes parents ont toujours vu de moi la petite fille modèle, celle des bulletins sur lesquels les professeurs se plaisaient à écrire "élève disciplinée et sérieuse" et d'autres encore "appliquée dans son travail", bref, une gamine à rendre jaloux les autres tant elle semblait déborder de perfection et, les années passant, ils se sont vite occupés d'étendre ce potentiel. A six ans, j'avais troqué la lecture du Petit Prince par la découverte des pays du Moyen-Orient, puis ceux d'Asie ainsi que de leurs grandes villes. "Rien de mieux pour se rendre compte que d'aller sur place" disait mon père, sans doute parce que son salaire de chirurgien plastique lui permettait de me payer des voyages à chacune de mes vacances. Je suis souvent partie seule, apprenant bien vite ce qu'on appelait... l'autonomie, et me forgeant bien heureusement un caractère qui disait : "ne me crois pas paumée, je sais mieux m'en sortir que toi, si tu veux on parie". J'ai toujours tenu à rester dans le moule que mes parents m'avaient construit : une gentille fille tout sourire, qui renferme bien profond ce qu'elle a à balancer... ce qui se répercute sans doute aujourd'hui, disons. Le grand changement s'opère sans doute lorsque ma mère finit par tomber malade... vous savez, le genre de maladie dont on a environ 3% de chance de s'en sortir tant elle est ancrée en nous depuis des mois. La seule chose que j'ai toujours lue sur les traits de ma mère, c'était l'amour qu'elle avait éprouver pour mon père, s'estomper, remplacé peu à peu par le quotidien, la dureté de la réalité et une peur de l'inconnu une fois qu'elle déciderait de prendre le large... faut dire, dès qu'elle avait pu devenir mère au foyer, elle n'a pas hésité et ce, même si j'étais fille unique. Même à l'article de sa mort, ma mère n'a jamais réussi à dire ses quatre vérités à mon encombrant de père, celui qui bouffait par son influence grotesque ma propre personnalité, faisant de moi exactement ce qu'il voulait qu'il soit, peut-être une poupée, ou un jouet articulé, je ne saurais dire quelle aurait été sa préférence. Ma défunte mère, quatre mois après le début de son hospitalisation et si elle avait laissé un grand vide en moi, on peut dire que le malheur silencieux qu'elle gardait au fond d'elle m'avait finalement servi.
A sa mort, j'étais âgée seulement de seize ans et j'ai commencé à m'affirmer et à revendiquer mes opinions auprès du père trop encombrant qu'il avait toujours été. Mésentente, disputes perpétuelles et plus les jours passaient plus notre relation se dégradait. Il ne pensait qu'à son argent et ne cherchait sans cesse qu'à me montrer à ses diners d'affaires, j'étais son mannequin, sa poupée et pas sa fille ! Londres, ma ville natale et aussi la ville que je chérissais tant devenait maintenant invivable pour moi, il fallait donc que je pense sérieusement à changer d'airs. Pour cela, au tout début de ma majorité, je me suis exilé dans une petite ville du sud ouest de la France afin de pouvoir réfléchir, me détendre et aussi échapper à ce calvaire. Le séjour fut de courte durée car certes la France est un beau pays, mais les études ça se fait pas tout seul.
Aujourd'hui, ça fait deux petits mois que je suis rentrée à la maison.