Non effectivement, Théodène n'avait pas choisi le bon soir pour venir emmerder le premier beau garçon qu'il croisait. Et puis, ce n'était pas une chance pour lui qu'il soit tombé sur un Dimitri trop amorphe pour l'envoyer bouler à la première réplique. Théo et Dim' n'avaient jamais rien partagé, aussi faut-il dire que les clowns dans le genre de Grant, notre lycéen préférait les éviter. Ils ne lui étaient utils en rien et puis, tout ce qu'ils savaient faire, c'était se faire remarquer. Ce n'était pas une mauvaise chose non plus puisque Dimitri aimait qu'on le remarque, mais pas comme étant l'ami du clown homosexuel de premier année et bizut, il préférait qu'on le remarque comme étant le mec introverti, macho, égoiste et hautain. C'était pas vraiment plus flatteur, mais tellement plus marrant. Eh puis, de cette réputation était née passablement de rumeurs qui le mettaient en situation toujours plus étrange avec des demoiselles, et c'était bon pour son secret. Plus longtemps on l'imaginerait rendre ces dames heureuses, plus longtemps on le laisserait tranquille et on ne le questionnerait pas sur sa potentielle homosexualité. Vous ne vous rendez pas compte, mais c'était un travail de tous les jours que de cacher une telle attirance, et c'était épuisant, à la longue. Parlant par expérience, je peux vous garantir que le poids qui pesait sur les épaules de Dimitri était insoutenable, gonflant et trop lourd, beaucoup trop lourd. Il savait depuis toujours qu'un jour où l'autre son dos abdiquerait, que ses jambes se briseraient et que le poids l'emporterait sur le reste et que tout se détruiraient. Mais il avait toujours pensé qu'il pourrait tenir le coup jusqu'à la fin de ses études ici, à Yale ! Apparemment, la vie en avait décidé autrement pour notre jeune Leslie qui voyait alors enfin son corps se soumettre et déposer les armes... Il était temps pour lui de faire face à sa propre personne, son propre reflet. Il était temps pour lui d'assumer les erreurs commises dans le passé et les mensonges qu'avaient engeandrés le mal et la haine, la rancoeur et le dégout ! Mais comment... et pourquoi ? Théodène n'était peut-être pas le garçon qu'il fallait à Dimitri pour qu'il apprenne à s'assumer, mais ce soir là, Dimitri se sentait prêt à franchir un pas énorme dans son existence.

Il était assis sur l'herbe, le vent commençait doucement à se lever et venait tranquillement siffler dans le creux des oreilles de Dimitri. Le regard perdu dans l'horizon, il se répéta la phrase qu'il avait dit à son camarade sur un ton complètement détaché dans sa tête quelques fois. C'est vrai que Théo avait énormément de chance. Mais il ne comprendrait sûrement pas pourquoi, à moins que Dimitri lui avoue enfin tout ce dont il était en proie en ce moment. Mais se l'entendre dire à voix haute était un supplice. Il ne l'avait fait qu'une fois et c'était pour sa meilleure amie, Sarah. Depuis, plus jamais il n'avait prononcé la phrase "Je suis gay", car c'était bien trop difficile de se l'entendre dire. Tout le monde le sait, lorsqu'on prononce une phrase à voix haute, c'est l'assumer complètement. On ne dit pas à tout bout de champ "Je t'aime" si on ne le pense pas, bien que... mais c'était un autre sujet plus épineux qui brisait aussi les entrailles de notre jeune étudiant. Mais quel espèce de torturé ce Dimitri ! Qu'importe... La chance de Théodène ne se rapportait pas à son histoire, à son vécu, mais au simple fait qu'il pouvait vivre sans un poids qui pesait sur les épaules de Dimitri. Il n'avait pas ce sac rempli de pierres ponces qui le bouffait de plus en plus et qui le tuait à petit feu. En parlant par expérience encore, je puis vous assurer que de devoir cacher au monde qui nous entoure qu'on était différent, et peu importe dans quel domaine, c'était un réel supplice. Se sentir malhonnête, c'est la pire des émotions que l'être humain peut ressentir. Dimitri l'avait vécu depuis trop longtemps pour savoir que sa vie avait un destin plutôt scellé, et qui plus est, pas très encourageant. De toute évidence, pour Dimitri, les choses étaient simples. Théodène avait la chance de pouvoir vivre ses orientations sexuelles au grand jour, et pour ça, il l'enviait énormément. Je vais pas revenir sur le sujet, tout le monde a compris pourquoi la chose était juste taboo pour notre jeune Dimitri et qu'il ne pouvait toujours pas se l'accepter... toujours pas ?!?

Il était assis dans l'herbe... Et Théodène en fit de même. La voix que prenait Théo avait sur Dimitri une espèce de pouvoir relaxant que lui même n'aurait pas su expliquer. N'allez pas trop vite en besogne, notre jeune étudiant avait autre chose en tête ce soir que de s'envoyer en l'air avec le premier venu, mais il devait bien avoué que s'il avait longtemps snobbé son camarade, aujourd'hui, dans ce contexte un peu spécial, il lui trouvait un rien d'attirant, de touchant. Et la scène avait tout d'une scène romantique à 1OO pour 1OO homosexuelle mais Dimitri ne tenait pas vraiment à s'imaginer quoi que ce soit. De toute évidence, il était bien trop perdu dans ses pensées pour se faire des films sur quoi que ce soit. Théodène voulait comprendre Dimitri ? Première grande nouvelle. Voila quelqu'un qui s'intéressait à lui et pas seulement pour ce qu'il pouvait avoir entre les jambes. Du moins, c'est ce qu'il voulait croire pour une fois. Il avait envie que ce soir marque le début de quelque chose de différent, même s'il ne savait pas vraiment dans quelle direction cette nouvelle chose pouvait bien aller. Adossé contre l'arbre, il tirait encore une fois sur sa cigarette alors que Théodène semblait de plus en plus interrogateur, il se faisait de plus en plus insistant et voila qu'il ramenait même sur le tapis que Dimitri n'avait jamais pu le voir. C'étiat un peu rapide comme conclusion, mais en fin de compte, un sourire assez amusé s'afficha sur le visage de Dimitri. Dans la pénombre, seul la lumière lunaire éclarait la moitié droite de son visage, celle qui était exposée à Théodène, et ses yeux ? Ils reflètaient la pleine lune qui s'affichait déjà haute dans le ciel. Pas encore une fois Dimitri n'avait posé ses yeux dans ceux de Théodène... Juste une fois et le contact avec été rapide. Cette fois, c'était différent. Peut-être était-ce dû à la pleine lune, mais notre jeune étudiant semblait littéralement changé... Lui même ne se reconnaissait pas vraiment. Son visage tourna lentement en direction de celui de Théodène qui continuait de l'observer. Dimitri écrasa sa cigarette sur le sol, à peine entamée et sourit tendrement à son camarade. C'est alors que le choc se fit violent, ses yeux bleus marines se posèrent dans ceux de Théodène et ne lachèrent plus ceux-ci. Dimitri fixait à présent le jeune homme en face de lui avec beaucoup d'insistance et une attirance non seulement réciproque mais de plus en plus forte. Il ne détachait plus son regard du sien et se mit à sourir bêtement. Il soupira doucement en étouffant un petit rire avant de lui dire d'une voix naturellement terne et morne...

« - Je suis gay ! »

Cette phrase résonnait encore dans son crâne 3 secondes après qu'il l'ait dite. Elle avait eu l'effet d'une bombe et l'expression figée de Théodène fit comprendre automatiquement à Dimitri qu'il venait de lui faire une révélation qui changerait définitivement le point de vue qu'il avait sur son camarade. Alors... Tout d'un coup, Dimitri se senti soulagé, presque apaisé. Son estomac se dénouait et la brûlure disparue d'un coup. Le poids semblait s'alléger sur ses épaules et ses paupières battèrent avec une telle légèreté qu'il ne put s'empêcher de continuer à sourire. Il venait de le dire, de se l'avouer. Voila qui était un énorme pas dans le changement, mais sûrement pas suffisant pour rattraper tout ce qu'il avait déjà commis. Il ne rajouta rien pendant les quelques minutse qui séparèrent la réaction de Théodène à cette révélation. Le silence qu'imposa cette nouvelle ne semblait même pas lui peser, mais au contraire, il semblait presque doux, bénéfique et agréable. Dimitri le savoura car pour la première fois depuis longtemps, il venait d'être honnête avec lui même et il n'avait pas connu de sensation plus incroyable que celle-ci depuis qu'il avait sucé sa première queue ! C'était peut-être con à dire, mais sur le coup, il aurait pu jouir d'avoir simplement annoncé à un garçon qu'il ne connaissait pas plus que tant qu'il était homosexuel. Et encore une fois, en parlant par expérience, laissez moi vous dire que la révélation était la meilleure partie dans l'acceptation de sa différence. Car c'était à ce moment précis qu'on comprenait réellement la valeur des mots et des phrases que l'on pouvait lancer à tout va contre le vent...