« rain on my parade »

temps ▥ date ▥ saison ▥ heure ▥ 1°C ; un décembre ; automne ; 07.30 AM ;

L'archet. Long, fin, il ressemble aux faibles branches des arbres. Il est vulgaire, sans couleurs, ni charme. Et puis, il frotte les cordes. L'âme invisible l'est toujours. Vous ne la voyez pas, vous l'entendez. Elle vibre. Sa voix rauque, pesante, s'abat et vous oblige à courber l'échine sous la mélancolie de ses intonations. Cette révélation ne tient qu'à une chose : l'alliance d'une main et du talent. Cette main, c'est celle de Machiavel. La concentration crispe son visage. Ses yeux ne se détachent pas de la partition. Il la connaît pourtant par cœur pour l'avoir répétée des centaines de fois.
Jouer le rend vivant. Jouer le fait transpirer de sentiments. Ce ne sont pas les siens mais les interpréter c'est se les approprier. C'est un emprunt. Pas qu'il ne souhaiterait pas les voler, non. Il a déjà essayé. Il les verse dans son bol, range son instrument, fait quelques pas vers la sortie mais déjà, tout est renversé.
L'imperfection arrête son geste. Il recommence depuis le début. Son acharnement à vouloir réessayer lui blesse les doigts. A la fin de sa répétition, il doit bander la majorité d'un pansement blanc. Plusieurs heures d'entraînement ont courbaturé ses membres. Ses genoux maintenant le violoncelle sont raidis, douloureux, tout comme son dos à force de rester droit. L'effort ne le dérange pas. Au contraire. Il se sent bien après l'effort. Seulement, il n'est toujours pas satisfait de sa prestation. Il réessaie mais son index glisse et la note sombre. « Merde. » Il jure rarement sauf en musique. Curieux de devenir vulgaire devant l'art qu'il juge le plus aboutit. Son corps se soulève doucement.
Dans la salle de répétions, il cale son dos contre l'estrade. « Deux minutes » se dit-il en penchant la tête en arrière. La sueur sur son front colle sa frange, la moiteur aplatit le reste. Il ramène à lui la veste qu'il a posé sur le sol en entrant. L'horloge sur le mur indique 23h45. Morphée l'assomme par petits coups. Il perd la bataille et sombre.
Dans la nuit, il s'allonge, ramène sa veste sous sa tête et s'endort à nouveau.