- Je te l'ai déjà dis, laisse tomber avec ça.

Il fallait s'en douter, cette voix criarde qui sifflait dans son téléphone était très certainement là pour lui faire encore des remarques, comme il avait l'habitude depuis toujours d'en avoir. Car oui, ils se connaissaient depuis toujours et cette relation n'était pas prête de changer. Manque de bol, aujourd'hui, l'homme politique s'était levé du pied gauche et faisait nerveusement les cent pas dans son appartement sans même prêter attention à la vie qui grouillait à l'extérieur. Beaucoup aurait pu avoir le vertige face à la vie sans cesse grandissante de Mayfair, mais lui s'en fichait. Car même si ce quartier était le plus réputé de Londres, il n'y était que pour dormir, manger, et voir quelques affaires en privé. Le reste du temps, il le passait à la mairie.

Et la conversation s'éternisait alors que déjà, devant le miroir il admirait son reflet. Dés lors, ce qu'on lui disait au téléphone n'avait plus une seule once d'importance, était-il correctement rasé? Avait-il parfaitement assortit son costume à sa cravate? Oui, quand on travaille en politique, plus qu'ailleurs, il se fallait de prêter attention à l'apparence. Un homme négligé n'avait nullement sa place dans ce milieu et il le savait très bien, mieux, ça lui convenait. Tandis qu'il passait une main dans ses cheveux, la voix dans le combiné lui lança un tonitruant «  Tu m'écoutes » qu'il fit mine de ne pas entendre et auquel finalement il ne répondra que d'un soupir pour finalement entendre à nouveau le flux de moral qui lui agressait l'oreille. Finalement, agacé, sans un mot il prit le téléphone en main et mis un terme à la conversation tout simplement en raccrochant. Non, il n'était pas d'humeur ni à discuter, ni à négocier car il était déjà en retard et la journée s'annonçait pénible, ce genre de journée durant laquelle on préférerait encore dormir que d'aller travailler. Pensant à la multitude de paperasse qui l'attendait et lorsqu'enfin, il prit le chemin du travail c'est le froid qui finit par terrasser définitivement sa mauvaise humeur.

Finalement, la journée fut finie plus tôt que prévu, et c'est à nouveau dans le froid qu'il se retrouvait, cette fois-ci seul avec lui même. Saluant ses collègues qui partirent de chaque côté il ne pu qu'apprécier le bruit sourd de la circulation. Tout s'était terminé sur un entretient dans le quartier de Piccadilly Circus, et l'enseigne d'un Starbuck au loin l'appelait. Au fond, qu'aurait-il fait sinon en plein milieu de la semaine? Rentrer chez lui? S'allonger dans son sofa de cuir et ne penser à rien devant une émission ridicule dont il avait la fâcheuse tendance à regarder? Pire, aurait-il ressassé la dispute de ce matin? Non, il ne regrettait absolument rien et le pincement au coeur qui l'avait pris sur le chemin du travail ce matin s'était volatilisé. Et en entrant dans le Starbuck, en sentant la délicieuse odeur du café, déjà, il se sentait mieux et tandis qu'il prit commande c'est là qu'il la vit.
Qui ça? Là, à ce moment même, il n'en avait encore aucune idée, ses cheveux longs et noirs étaient presque ensorcelant et contrastait avec son regard azur, un regard qui semblait troublé même si au loin il ne pouvait réellement distinguer tout cela. Enfin, son café en main il s'avança vers elle et l'interpella doucement, celle-ci se retournant ne prononça mot avant de changer de tabouret, lui? Il la dévorait du regard à chaque mouvement qu'elle faisait, un sourire charmeur sur les lèvres se dessinaient doucement, voulait-elle jouer ou voulait-elle réellement qu'on la laisse en paix? Ses regards insistant le fixèrent finalement sur ce point et sans autre forme de procès, il s'avança vers elle d'un pas lent avant de s'installer sur le tabouret à côté d'elle, tandis que la jeune femme plongeait son regard dans un magasine. La regardant avec insistance, elle ne semblait cependant pas vouloir quitter des yeux le magazine qu'elle était en train de lire tandis qu'un café vint se poser devant elle.

" Pour lire ce genre de revue, vous devez soit vraiment vous ennuyer, soit être vraiment désespérée." Lui lança-t-il finalement, comme pour rompre le silence entre eux. Pourquoi tenait-il vraiment à lui parler? Hors mis sa beauté fulgurante, la jeune femme semblait triste et lasse, et c'est ce que confirmaient ses yeux bleus jusqu'alors plongé dans une lecture qui ne semblait pas vraiment en être une. Il se sentait alors bien moins seul à avoir passé une journée pénible et sans doute pour cela souhaitait-il discuter avec elle.

" Ai-je raison?"