En ce lundi matin, l'agence était fermée et le Casino se refaisait une beauté avant de réouvrir. La veille, un chèque d'un million de dollar avait été empoché par un touriste, et l'ambiance était à son comble par la suite! Champagne, petits fours, fiesta!
La soirée s'était terminée assez tard et étonnement, Tyméo s'était levé relativement tôt. Aujourd'hui, pas de sport mais une simple balade dans Hyde Park suffirait... Comme à son habitude, il avait bu son cappuccino et mangé ses cracottes (pour faire crac-crac) devant les informations matinales sur une chaine que personne ne regarde, puisque ça n'interesse pas grand monde ce type d'actualité! Ensuite, il avait pris une bonne douche tiède, avait appliqué son après-rasage à l'allantoïne, s'était vêtu d'un simple pull gris et d'un jean noir, avant de siroter son jus d'oranges pressées. Accoudé à la barrière de sa terrasse, il regardait le parc et ses alentours. De là, il voyait la ville, ses immeubles, ses routes mais surtout, ses enseignes so chic! Il resta quelques temps songeurs, le verre vide... Il rentra de nouveau dans son duplex, fit la vaisselle, enfila son béret fétiche, mit ses Redskins Milano en cuir noir, et partit vers l'espace verdoyant qu'il dominait de l'étage où il habitait. Au pied du bâtiment, il salua le concierge qui, pour ne pas changer, ne lui répondit pas. Mais qu'importe, au moins, Tyméo montrait qu'il avait du respect et de la politesse envers les autres!

Un petit vent doux soufflait dans l'air, relevant par moment la petite visière de son chapeau. Il marchait les mains dans les poches, pas très élégant mais plutôt bien pratique pour ne pas avoir froid. Il regardait droit devant lui, essayant de ne pas penser à ses occupations... C'était bon de ne pas entendre son téléphone sonner, ni de devoir appeler des tas de personnes pour fixer des rendez-vous ou pour parler business. Ces moments d'indépendance, Tyméo ne les organisait pas vraiment mais savait en prendre le goût quand ils s'offraient à lui... Ainsi, il vit un banc libre et décida d'aller s'y asseoir pour mieux profiter de l'agréable météo, du silence, du chant des oiseaux, des rires des enfants. Alors qu'il se dirigeait vers le support "fessial", il tourna la tête à gauche et remarqua une jeune fille.

Elle était brune, svelte, une queue de cheval et quelques mèches qui passaient par dessus ses oreilles tombant alors devant ses yeux. Elle lisait. Tyméo n'arrivait pas à lire le titre du livre, puisque la couverture était trop penchée sur ses jambes. Jambes exquises d'ailleurs. Croisées et fines. La jeune femme avait également une main posée sur son sac, juste à côté d'elle, qui semblait bien rempli... Il détourna promptement la tête quand elle bougea la sienne. Du coin de l'oeil, il remarqua que désormais c'était elle qui lui prêtait attention... Il atteint ainsi le banc à la peinture quelque peu écaillée, sans avoir posé de nouveau ses yeux sur cette divine créature. Une fois assit, il leva la tête et croisa les prunelles de cet ange en face... Il la regardait, elle le regardait. Il ne savait pas ce qu'elle voulait trouver en lui de part ce regard fixe, et lui, essayait de deviner la délicieuse personne qui pouvait bien se trouver sous ces traits si délicats et plaisants...

Pendant tout ce temps passé, Tyméo avait savouré cette vue, cette vision enchanteresse... Mais, il avait également croisé le regard de cette jeune femme, elle avait paru destabilisée de le voir les yeux dans les yeux... Instinctivement et timidement, elle avait replongé sa tête dans le livre qu'elle lisait. Ce court moment où le jeune haïtien avait pu voir ne serait-ce qu'un quart de la prunelle de ses yeux, lui avait semblé long, mais jamais trop! Quand il s'était assis, il continuait de l'admirer; il ne la fixait pas non plus pour éviter qu'elle pense que c'est un détraqué sexuel cherchant à la violer derrière un petit buisson verdoyant de Hyde Park mais, parce qu'elle était belle. Elle avait cette manière de se tenir à la fois vive et tranquille, une attitude posée et sereine, la façon dont elle avait remis cette mèche qui était tombée traduisait un naturel et un calm avenant. De loin, elle était à tomber! Et Tyméo aurait tant aimé qu'il puisse savoir si de près ça en était autant... Il aimerait que....
"One of these nights at about twelve o'clock... This whole earth's gonna reel and rock... " C'était la sonnerie One of Us de Joan Osborne, que Tyméo avait programmée pour ses appels, il regarda l'écran : appel inconnu. _ Allô? Il se leva du banc pour ne pas déranger les personnes autour de lui, et se dirigea à l'opposé d'où il venait, comme s'il avait continué le chemin qu'il parcourait sans s'être assis entre deux. Ah, c'est vous! Oui, j'avais essayé de.. Pardon? A 12h30 à l'agence? Oui, tout à fait, ça... Oui, ça me convient. D'acc... D'accord, pas de souci! Au... Au r.... Au revoir m... Oui, au revoir monsieur! Clic Rooo!!! Voilà bien une chose qui énerve le jeune métis, c'est quand les gens vous coupent la parole au téléphone, tout ça pour dire les mêmes propos qu'on avait l'intention de dire! Il ne pouvait pas en placer une et... Comme dans tout commerce, le client est roi! Satisfaire ses envies et se taire! Business!

Alors que Tyméo avait les yeux rivés sur son écran de portable, le temps de bloquer à nouveau son clavier, il se retourna pour aller se rasseoir là où il était auparavant, mais tout à coup... BAMMMM. Un choc. Ni trop violent, ni trop doux. Il n'avait rien vu venir, ni la personne, ni l'action! Il ne savait même pas si c'était un humain, ce pouvait être une maman ours, une mouette ou un pigeon! Ah les oiseaux! Une grande histoire! Parfois on se demande ce que ça fout là! Sauf pour nous faire peur à voler à basse altitude, pour nous lâcher cette substance plus ou moins visqueuse ou alors pour crier sur votre toit de maison alors qu'une grasse matinée s'annonçait ! Enfin, quoiqu'il en soit, après quelques secondes il reprit ses esprits... Languette ton moman comme on dit à La Réunion! Une dryade, néréide, naïade, oréade, déité, nymphe, ondine, reine, tanagra, vénus, déesse, enfin appelez la de tous les noms grecs! C'était ELLE. Et aucun de ces mots n'allaient lui correspondre tellement elle resplendissait!
Son sac était tombé au sol, et une partie de son contenu s'était renversé. Tyméo se pencha pour l'aider à ramasser, puis, il la regarda : Je suis sincèrement désolé, vous ne vous êtes pas fait mal?...

Tyméo resta droit, calme, face à la jeune femme. Il la voyait troublée et désirait vite s'en aller apparemment. Elle ne savait pas où poser son regard, ni que faire. Il devait l'intimider, la gêner... Pour détendre l'atmosphère, il s'abaissa légèrement, histoire de la voir dans les yeux car elle avait le regard rivé sur le sol, et lui dit d'une voix qui se voulait protectrice et douce, je suis désolé encore une fois... Heum.... Il chercha un peu ses mots et la façon dont les accompagner... Puis, en mettant sa main droite sur l'épaule de la jeune femme il se présenta, je m'appelle Tyméo. Heum.... Et heu.... Heu.... Il cherchait ses mots, ne les trouvait pas. Le regard noisette de la jeune femme l'intimidait à son tour. Qu'elle était belle! Vue de près elle était encore plus sublime! Et cette bouche! Chez elle tout était naturel et pourtant tout semblait irréel!

Enfin, le jeune homme limita ses contemplations et réflexions intérieures pour éviter de trop sembler "amoureux". Oui, c'est ça. Tyméo était amoureux. Enfin, il lui semblait. Son cœur s'accélérait. Il ne voyait qu'elle. Il ne sentait qu'elle. Il ne pensait qu'à elle. Son visage, ses cheveux, son sourire, sa silhouette, sa démarche, son attitude, sa gêne, son parfum, sa peau, ses mains, elle. L'inconnue du parc. L'inconnue de l'accident dans le parc. L'inconnue aimée de l'accident dans le parc. La belle inconnue aimée de l'accident dans le parc en cette journée ensoleillée. Et eccetera... Tyméo aurait pu continuer mais cette suite de phrases se stoppa nette lorsque le ventre de cette beauté se mit à gargouiller. Le grecque laissa tomber sa tête en rigolant. Puis, il la releva, se passa la main droite qu'il avait ôtée de la jeune femme sur son crane et posa enfin ses deux mains sur ses genoux. Mon Dieu qu'elle était encore plus embarrassée! Elle se mordait les lèvres à présent et ses yeux allaient de la gauche vers la droite, de la droite vers la gauche. Elle ne devait plus savoir où se mettre! Mais Tyméo, savait où il allait bien pouvoir l'emmener. Alors, il prit le taureau par les cornes, ou plutôt, l'amour par la faim, et se lança: Apparemment vous avez une petite fringale. Alors, pour me faire pardonner encore une fois, qu'est-ce que vous diriez de venir manger un bout avec moi? En tout bien tout honneur évidemment. Vous choisissez, on peut très bien se faire un restaurant en ville mais si vous ne voulez pas, on peut toujours aller chez moi, j'habite derrière le parc... Il ne savait pas si elle allait dire oui ou non. Il misait plus sur le fait qu'elle allait choisir le resto' mais la parole lui appartenait désormais.